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le rappel des choses contre le téléchgargement illégal - article acheté par professeur du four sur le journal de la cyber délinquance

l'article copié du journal libération

La fermeture du site Torrent411, référence francophone du téléchargement illégal, est l'occasion de revenir sur cette consommation «hors-la-loi» de contenus culturels, à l'heure de l'essor des Netflix et autre Spotify.

 

La fermeture de t411 est la dernière en date d’une longue liste ces derniers mois, avec des sites parfois réactivés sous une nouvelle forme, parfois disparus pour de bons : KickassTorrents, Extratorrent, Torrentz, Zone-Telechargement, pour n’en citer qu’une poignée et sans différencier les types de téléchargements proposés, qu’ils soient directs ou en pair-à-pair (P2P).

 

Huit ans après la création de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (la fameuse HADOPI, qui existe encore, oui), et alors que l’offre légale a indéniablement progressé, on a cherché à comprendre les motivations d’utilisateurs de sites de téléchargement torrent, protocole de transfert P2P développé par l’américain Bram Cohen en 2001.

Après un appel partagé sur les réseaux sociaux, la petite centaine de témoignages reçus donne un aperçu de cette consommation culturelle «pirate» mais souvent complémentaire aux plateformes légales. Un aperçu qui n’a aucune valeur statistique, bien entendu, ne serait-ce que par la surreprésentation d’hommes trentenaires parmi les participants. De leurs réponses se dégage l’impression d’avoir, en ciblant particulièrement les amateurs (ou ex-amateurs) de BitTorrent, visé une génération ayant découvert à l’adolescence les «joies» du téléchargement illégal. Et qui, bien que sensible aux progrès en matière d’offre légale, aurait du mal à s’en passer totalement.

 

BitTorrent en 2017, mais pour télécharger quoi ?

«Essentiellement des séries américaines, et aussi ponctuellement des dessins animés pour mes enfants» (Paul, 36 ans, enseignant-chercheur).

«J’utilise encore BitTorrent principalement pour les séries actuelles non disponibles sur Netflix (Games of Thrones, Westworld) ou bien que j’ai commencé avant et pour lesquelles je ne me vois pas poireauter un an pour avoir la suite (Arrow, The Flash…)» (Germain, 38 ans, informaticien).

«Je télécharge environ une saison de série par mois et 2 ou 3 films par an» (Camille, 23 ans, étudiante)

 

La découverte des torrents

«Au début des années 2000, je téléchargeais beaucoup de jeux sur des forums américains. Les fichiers étaient déposés sur des serveurs de fichiers piratés ou sur des hébergeurs gratuits (Lycos, Free, etc.). Les liens devenaient rapidement invalides et il n’était pas facile d’évaluer la fiabilité des fichiers que l’on récupérait… BitTorrent répondait à ces problématiques : le contenu devenait décentralisé et il n’était pas possible de modifier le fichier que l’on partageait. Ajoutez à cela les votes des utilisateurs sur les «annuaires» de torrents pour évaluer la qualité des contenus et nous voilà avec un système ultra-pratique et rapide de diffusion de contenus». (Jean-Michel, 35 ans, développeur web)

À lire aussi :Le site Zone téléchargement ne répond plus

La TV, porte d’entrée du téléchargement

«J’ai commencé à télécharger il y a longtemps. Je crois que c’était lors du passage au décodeur numérique Canal + et que je ne pouvais pas enregistrer les chaînes TNT avec un magnétoscope VHS. Cela a coïncidé avec les épisodes des Experts que TF1 diffusait en version française, dans le désordre, et avec des mini-censures si je me souviens bien. Tout ça m’a saoulé et j’ai commencé à télécharger des séries en utilisant eMule, puis je suis passé aux torrents. Au début, j’ai beaucoup téléchargé de séries découvertes à la télé mais dont la diffusion était stoppée par la chaîne» (Thomas, 40 ans, prof de maths)

L’âge d’or des séries

«Il faut se souvenir que BitTorrent est apparu à peu près en même temps que l’émergence d’une nouvelle génération de séries de qualité supérieure à ce qui se faisait avant : les classiques HBO, mais aussi des trucs plus «popcorn» et néanmoins mortels comme 24, Alias, Lost, The Shield… A l’époque, le téléchargement illégal était non seulement la façon la plus simple d’accéder à ces œuvres, mais aussi la seule qui permette de les visionner dans des conditions de bonne qualité, à savoir en VO et sans pub». (Marc, 42 ans, informaticien)

Sur t411, pas de mauvaise surprise

«J’ai commencé à télécharger il y a longtemps avec eMule, mais à l’époque il fallait trois jours pour télécharger un film souvent filmé avec un téléphone dans un ciné… Pour moi, c’est vraiment t411 qui a révolutionné le truc parce que les torrents étaient contrôlés, et c’était impossible de trouver un film qui n’était pas encore sorti en DVD. En gros, il n’y avait jamais de mauvaise surprise. J’y téléchargeais principalement des films, de manière assez régulière. Et aussi des séries. Ça m’arrive aussi plus rarement de télécharger des e-books. Par exemple la semaine dernière j’ai téléchargé un dictionnaire franco-russe. Ce site était vraiment fantastique. Je n’ai jamais acheté de DVD, mais j’avais 1 teraoctet [1024 gigaoctets, ndlr] de downloads sur t411, toute ma culture cinématographique s’est faite grâce à ce site». (Vadim, 22 ans, étudiant)

La notion de «communauté», une absurdité ?

«J’utilisais encore BitTorrent jusqu’à peu, pour de la série et des films. J’allais sur KickassTorrent ou PirateBay mais je n’ai jamais utilisé t411, l’idée de s’inscrire pour pirater me paraît absurde, comme l’idée de communauté [t411 était un tracker semi-privé nécessitant une inscription gratuite, ndlr]. Ce n’est pas une passion et je n’y vois pas de valeurs à partager, ça reviendrait à former un "club des mecs qui ont été flashés pour excès de vitesse" où on discuterait de nos meilleures contraventions. Ça n’a pas de sens». (Martin, 34 ans, fonctionnaire de l’éducation nationale)

Le confort du téléchargement

«Je télécharge encore plutôt que d’utiliser le streaming illégal pour des raisons de confort. Le streaming t’oblige à regarder le film ou la série sur ton ordinateur là où je peux regarder le fichier vidéo sur ma télévision». (Pierre, 29 ans, entrepreneur)

Du retard des éditeurs et diffuseurs

«Pour les grosses séries, ça se tire la bourre entre Canal, OCS et Netflix. Du coup l’offre est trop disparate et trop inégale si on ne choisit qu’un seul opérateur. Et il y a un gros problème d’immédiateté, parce qu’on est plus dans les années 80, certes en partie résolu par les trois géants précités. Mais je n’ai pas envie d’attendre cinq ans avant de découvrir Community, et en VF en plus. Ou que la Fox se décide à éditer les dernières saisons des Simpsons en DVD : la dernière éditée était la saison 17, en 2014, alors que la diffusion TV en est à la 28e…» (Jacky, 44 ans, développeur)

Revenir à l’achat physique

«Je n’utilise plus du tout BitTorrent. J’ai commencé le piratage en tant qu’étudiant fauché, avec pas mal de temps libre pour consommer de la culture, je téléchargeais donc beaucoup. Puis j’ai commencé à bosser, j’ai rencontré ma femme - via Direct Connect d’ailleurs, une solution P2P assez peu connue. J’avais moins de temps libre, je gagnais ma vie, et sans avoir forcément envie de revenir dans la légalité, j’avais surtout envie de rétribuer les artistes pour leur travail dans la limite de mes moyens. Du coup, je me suis mis à acheter en physique : je dirais un CD par mois, un DVD tous les deux mois, et les jeux vidéo d’occasion - jamais plus de 20€ par jeu, ce qui suffisait largement à couvrir ma consommation». (Serge, 35 ans, ingénieur)

Ostie de doublage

«Pendant longtemps, c’était plus pratique, facile et rapide de télécharger en torrent que de s’infliger les pubs d’un DVD ou la lenteur d’un achat iTunes. Mais Netflix a rendu le truc tellement facile et intuitif que je vérifie sur Netflix avant de tenter un torrent, ce que je ne faisais pas avant. Et puis il y a aussi la plaie des doublages canadiens, les faux fichiers «true french», que tu chopes quand tu veux mater un blockbuster bourré à 2h du matin et qui t’obligent à chercher un autre fichier. Il faut faire un truc contre les doublages canadiens». (Amaury, 35 ans, free-lance dans la publicité)

 

Aller à l’essentiel

«Je télécharge moins qu’avant parce que je vais plus à l’essentiel. Au tout début, j’étais fascinée par la quantité d’oeuvres proposées, je téléchargeais beaucoup. Il est évident qu’avec Spotify, je ne télécharge que les artistes qui refusent d’y être». (Morgane, 38 ans, sans emploi)

Forces et limites de l’offre légale

«Je télécharge via BitTorrent environ deux fois par semaine, principalement pour des films et séries, parfois pour tester des jeux vidéo avant souvent de les acheter sur Steam. J’utilise Spotify pour 10€ par mois. J’ai eu un abonnement Mubi que j’ai arrêté, pour les films. Sinon BeIN Sport pour le football ainsi que Netflix (7€ par mois), même si j’y trouve rarement mon compte en termes de films. Il m’arrive de payer pour de la VOD sur les plateformes de Canal +. Pour ce qui est de la musique, l’offre légale avec Deezer puis Spotify a clairement fait disparaître ma consommation illégale de musique. Je dépense une centaine d’euros par mois pour la culture (livres, musées, expos, concerts, musique), mais je vais assez peu au ciné et l’offre légale n’est pas à la hauteur de ce que j’attends. Je rêve d’un "Spotify du film" sur lequel on puisse trouver un catalogue large avec aussi bien le dernier Michael Bay que du cinéma japonais des années 30 ou des documentaires pointus. De ce point de vue Netflix ne remplit pas son contrat. Il y a de bonnes séries mais une offre de films restreinte qui semble tout droit sortie d’un vidéoclub de l’an 2000. Et la VOD est chère (au moins 5€ le film en HD), d’où le téléchargement illégal qui permet d’accéder à tout ce que je cherche, rapidement». (Edouard, 29 ans, communicant).

«On peut clairement dire que l’offre légale a affaibli mon quota de téléchargement illégal. En quelques années j’ai dû passer de 90% d’illégal à 90% de légal, en consommant à peu près la même quantité de films, séries et musiques. J’espère néanmoins qu’un jour on aura plus besoin de s’abonner à 3 000 plateformes différentes pour avoir les contenus qu’on veut… En attendant je fais avec». (Christophe, 28 ans, ingénieur)

 

«Clairement, j’ai complètement arrêté de télécharger de la musique quand l’offre de Spotify a été assez complète et que le smartphone a été en mesure d’accueillir assez de morceaux synchronisés à emporter avec moi dans le métro». (Sabrina, 43 ans, salariée d’un bureau d’études)

L’avance du jeu vidéo

«La seule offre légale qui répond à mes attentes, c’est dans le domaine du jeu vidéo. Sans Steam, le Humble Bundle et GOG.com [des plateformes d’achats de jeux à prix raisonnables, voire libres, ndlr] j’aurais consommé les jeux comme le reste : sans payer. Et ce n’est pas une question de prix mais de philosophie et de responsabilité. Si la musique avait choisi de faire ça - sans DRM [verrous numériques contrôlant l’utilisation faite d’une œuvre téléchargée, ndlr], à la confiance, au chapeau - je la consommerais comme ça. Mais ça ne marche pas parce que l’ego de cette industrie est démesuré, idem avec le ciné. Ils pensent en termes de rente ce qui les éloigne à mon sens toujours plus du statut d’artiste authentique, à savoir qui accepte d’être précaire». (Matteo, 31 ans, communication web)

Piratage équitable

«Je télécharge surtout des séries, parfois un peu de musique mais uniquement des artistes déjà très connus. Je n’ai aucun scrupule à télécharger le dernier album de Beyoncé, en revanche j’ai acheté celui de Juliette Armanet» (Leslie, 31 ans, journaliste-traductrice)

 

La menace Hadopi

«Je n’utilise plus BitTorrent car avec ce protocole il est plus facile de se faire choper par Hadopi qui m’a déjà repéré deux fois, donc je télécharge en direct désormais» (Damien, 26 ans, fonctionnaire).

La non-menace Hadopi

«J’ai déjà reçu un courrier de la Hadopi il y a plus de deux ans, mais cela n’a eu aucun impact sur ma consommation.» (Catherine, 35 ans, communicante)

«J’ai reçu un mail de Hadopi, en décembre 2016, alors que je télécharge très régulièrement depuis 2005. Je n’en ai pas tenu compte, cela n’a pas ralenti ni augmenté ma fréquence de téléchargement illégal, et il n’y a eu aucune suite depuis» (Michael, 35 ans, sans emploi).

 

«J’ai déjà reçu deux courriers d’Hadopi. Sans sanction. J’ai même passé un entretien d’embauche chez eux (Gérard, 35 ans, consultant)

Surfer dans l’anonymat

«J’ai longtemps utilisé un VPN [virtual private network, logiciel qui permet de cacher son adresse IP et d’empêcher sa géolocalisation, ndlr] pas spécialement pour me protéger quand je télécharge des torrents, mais surtout pour regarder les replays de mes chaînes étrangères favorites, comme le player de la BBC, et les différents catalogues Netflix des pays étrangers. Le catalogue français étant ce qu’il est, c’était pour moi un vrai bonheur d’avoir accès au contenu belge, britannique et américain. Depuis que Netflix a instauré des détections de VPN, c’en est fini» (Marie-France, 28 ans, responsable service client).

La flemme de pirater

«J’ai largement diminué ma consommation de téléchargement illégal depuis que je me suis abonné à Netflix, la dispo des séries à J+1 (type Better Call Saul) est un plus, et surtout ça m’a permis de regarder des films ou des séries que j’avais la flemme de télécharger, comme Sons of Anarchy, par exemple, en sachant qu’il y avait sept saisons derrière. Pouvoir regarder un épisode de temps à autre et avancer à mon rythme sans me prendre la tête de télécharger me fait apprécier la plateforme». (Philippe, 30 ans, cadre commercial)

 

 Fermer un site, tuer la culture

«Le téléchargement illégal a permis à beaucoup de monde comme moi, habitant une petite ville, de consommer de la culture à laquelle ils n’auraient pas eu accès auparavant et les faire devenir des consommateurs qu’ils n’auraient pas été autrement. La fermeture des sites ne fera pas gagner plus d’argent aux ayants droit, elle ne fait que réduire l’accès à la culture. Dans le monde du téléchargement, la tendance est désormais à la normalisation et au mainstream. On ne tue pas le piratage, on tue la culture». (Didier, 30 ans, fonctionnaire)

Afin d’éviter toute confusion, concluons sur un rappel fondamental, fourni directement par le site internet de la Hadopi«Aucun mode de diffusion n’est en soi légal ou illégal : la technologie est neutre. Le P2P, par exemple, permet à des chercheurs de partager leurs travaux, à des artistes de se faire connaître, à des éditeurs de logiciels de mettre à disposition de leurs clients des mises à jour ; il permet également de partager des capacités de calcul».

Précisons également que la suspension de la connexion internet, un temps prévue dans le cadre de la riposte graduée, a été supprimée par un décret du 8 juillet 2013. L’internaute qui, après avoir été averti deux fois par la Hadopi, serait pris la main dans le sac s’expose à une amende pouvant aller jusqu’à 1 500 euros. 

 



31/05/2020
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